06 août 2023

Compte-rendu de la causerie "Naturisme, sensualité et sexualité" au Levant

RENCONTRES NATURISTES DU LEVANT 

Domaine naturiste d’Héliopolis - Ile du Levant

23 juillet 2023


[ la causerie n'ayant pu être captée correctement, nous avons préféré la retranscrire à l'écrit: ]

Laurent: En préparant cet entretien avec Julien, je me suis rendu compte à quel point parler librement de sexualité est à ce point compliqué tant le poids de la société, de notre religion, de notre éducation, nous formatent afin de ne pas briser le tabou. Même pour nous, naturistes, qui nous sommes donné la chance de vivre plus librement avec nos corps, ce tabou reste très présent. Et pourtant c’est bien de sexualité dont nous allons parler ce soir et notamment du rapport que le mouvement naturiste entretient avec la sexualité, quelle place il lui accorde, et comment nous pouvons mieux harmoniser notre mode de vie naturiste à une sexualité naturelle et non culpabilisée. Nous vous donnerons également la parole pour que vous puissiez témoigner, si vous le souhaitez, de votre propre relation à la sexualité au sein de votre mode de vie naturiste. Et comme le titre de cette causerie le précise, nous ouvrirons tout naturellement le débat à la sensualité, quelle place nous lui laissons lorsque nous devenons adulte, quel rôle elle peut jouer dans notre rapport aux autres, et bien entendu ce que la sensualité peut apporter à notre expérience naturiste. 


Pour tenter de répondre à ces questions, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Julien Wolga, artiste et penseur du naturisme qui s'interroge sur le sens mais aussi les dérives du mouvement naturiste à travers plusieurs écrits et un blog que je vous communiquerai plus tard. Au-delà du débat, nous aurons bien entendu l’occasion d’échanger pendant le verre offert par Le Levant Naturiste, juste après le sublime voyage musical que nous offrira Ewah.


Pour démarrer cette causerie, Julien, pourrais-tu déjà nous retracer très brièvement le rapport qu’a entretenu le mouvement naturiste depuis ses origines avec la sexualité ?


Julien: Dans les années 20-30, le mouvement naturiste est hygiéniste, il cherche donc à comprendre les fonctionnements de l'organisme pour en satisfaire les besoins et ainsi en assurer l'équilibre. Initialement, il n’est pas encore nudiste, mais dans les années 20-30 une partie du mouvement se rend compte que le tabou sur la nudité et la sexualité pose beaucoup de problèmes physiques, psychologiques et sociaux. Elle intègre donc le nudisme, et commence également à penser la sexualité, prônant notamment une éducation sexuelle des jeunes alors que c'était complètement tabou à l'époque, contribuant à faire avancer les choses.

La seconde guerre mondiale casse cet élan, et le mouvement nudo-naturiste mute en perdant son orientation hygiéniste et rend bizarrement la question sexuelle à nouveau taboue (cf. premiers règlements intérieurs des clubs du soleil interdisant de parler politique, religion et sexualité sous peine d'exclusion).


L: Selon toi, il s’agissait pour les fondateurs du naturisme de décorréler le corps nu de toute dimension sensorielle et sensuelle pour que le naturisme soit « acceptable », c’est çà ?


J: Ils prônaient effectivement un nudisme/naturisme très "austère" et même limite "ascétique", disciplinaire et limite “militaire” pour montrer patte blanche face à une culture prompte à les condamner au moindre "faux pas". De ce fait ils axaient les pratiques quasi exclusivement autour d'une activité sportive intense afin d'éviter l'oisiveté supposée être mère de tous les vices. Ils rejetaient de ce fait la sensualité, supposée conduire nécessairement à la sexualité, ce qui à mon sens est une question de définition: si elle est souvent réduite à des pratiques préliminaires visant à attiser le désir sexuel, elle englobe  en réalité une sphère immensément plus large de la vie humaine, le plaisir sensoriel étant une source de bien-être et d’épanouissement très important de la vie humaine.

Ils parlaient effectivement exclusivement de "santé", la notion de bien-être telle qu'on la connaît aujourd'hui n'avait pas vraiment de valeur dans la société de l'époque en général.


L : …mais alors comment expliques-tu que la sexualité  soit toujours autant liée à la nudité ?


J: Dans le mouvement naturiste, elle est globalement dissociée (à l'excès même), mais dans le reste de la société c'est logique qu'elle ne le soit pas: la pensée naturiste reste minoritaire, elle a même reculé du fait de l'oubli des fondements hygiénistes, et les principes contre lesquels elle s'inscrit restent majoritaires (bien que fluctuant selon les époques). C'est une question de culture mais aussi et surtout une question psychologique: on peut argumenter tant qu'on veut, il ne faut pas oublier que les fondements de la pudibonderie relèvent du conditionnement traumatique imposé dès la petit enfance qui associe par la violence (physique ou juste psychologique) nudité et sexualité, le tout étant de même associé à quelque chose de malsain.


L: Je voudrais que l’on s’arrête un instant sur un penseur que tu associes au naturisme, un biologiste et psychanalyste autrichien, disciple et contemporain de Freud, auquel tu t’es intéressé : Wilhelm Reich. Ce dernier s’est justement différencié de Freud en affirmant que l’origine de nos névroses venait des renoncements qu’impose le modèle patriarcal. Peux-tu nous en dire plus ?


J: Wilhelm Reich a une conception à mon sens complètement hygiéniste de la vie: tandis que Freud affirmait qu'il y a naturellement dans chaque organisme des pulsions vitales, servant l'équilibre de l’organisme et de l’espèce, et des pulsions morbides, conduisant à l'autodestruction, Reich affirmait qu'il n'y avait que des pulsions vitales (il y a déjà suffisamment de danger à affronter et auxquels survivre pour ne pas s'en rajouter). En revanche c'est quand elles sont réprimées qu'elles peuvent muter et entrer dans des manifestations morbides, obligées de s'exprimer par des chemins déviés: elle deviennent de ce fait des déviances, conduisant au déséquilibre pour soi (obsessions, autodestruction) ou pour les autres (agressivité, prédation). Cette compréhension hygiéniste de Reich est fondamentale car elle comprend que s'il y a un "problème", il faut en corriger la source, et non pas uniquement en "canaliser" (pour ne pas dire “étouffer”) l'expression.

Il a fondé sa compréhension en travaillant sur la sexualité humaine, observant que quand une société la réprime, il en découlera énormément de tensions et de névroses, tandis que les sociétés qui l'accueillent avec bienveillance semblent être beaucoup plus paisibles.


L: …mais pourtant la sexualité est l’un de nos besoins physiologiques fondamentaux, non ? alors pourquoi le censurer ? créer autant de frustrations ?


J: Reich a observé que les sociétés qui la contrôlaient était plutôt de type "patriarcal" tandis que les sociétés qui lui laissaient le plus de liberté étaient de type “matriarcal”: sans entrer dans les détails, ça tient au fait que la paternité biologique étant plus difficile à établir que la maternité qui a un caractère évident, s'il est important de savoir qui est le géniteur comme c’est le cas dans le patriarcat, la liberté sexuelle a besoin d'être davantage cadrée que si ce n'est pas important socialement. Et plus une société sera "patriarcale", plus le contrôle sexuel sera important. C’est de ce choix d’accorder autant d’importance à la paternité que découlent la misogynie (car la liberté sexuelle des femmes met bien plus en péril la paternité que celle des hommes), l’homophobie (car les homosexuels masculins se soustraient au devoir de perpétuer la lignée paternelle) et le machisme (car les hommes doivent se couper de leurs sensibilité attribuée au féminin pour tenir ce rôle patriarcal).


L: doit-on tout imputer au poids de l’héritage judéo-chétien patriarcal ? ou y-a-t-il encore d’autres raisons ?


J: Je dirais plutôt que l'héritage judéo-chrétien patriarcal est, avec les autres religions abrahamiques, plutôt celui qui aura particulièrement associé la répression de la nudité avec celle de la sexualité, car il existe d'autres cultures patriarcales qui contrôlent la sexualité, mais pas la nudité (comme certains peuples premiers qui ont particulièrement besoin de la nudité et chez qui l'imposition du vêtement a généré beaucoup de déséquilibres).


L: la nudité collective a pourtant justement un rôle crucial, celui de « dé-sur-sexualiser » nos corps comme tu l’écris, en d’autres termes d’apaiser notre sexualité !


J: C'est effectivement ce qu'a démontré le nudisme hygiéniste, de par sa propre expérience, mais également celle d'autres peuples. Mais l'idéologie pudibonde dominante est coriace, et s’appuie (inconsciemment?) sur les conséquences obsessionnelles causées par sa nudophobie pour justifier sa position, ce qui est d’autant plus difficile à désamorcer qu'elle repose également davantage, comme nous l’avons vu plus haut, sur des traumas psychologiques que sur les arguments rationnels.


L: mais alors pourquoi encore aujourd’hui une telle anxiété collective de la sexualisation du corps ?


J: Plusieurs raisons à mon sens: ce trauma collectif (réprimandes, moqueries, charges sociales: sens étymologique des mots "pudeur" (= être frappé) et "honte" (être voué au mépris social)) qui se reproduit automatiquement de génération en génération, et par ailleurs les "déviances" que génère la répression: agressivité obsessionnelle conduisant à différentes formes de prédation sexuelle (allant du voyeurisme au viol voire même au meurtre).

Des moments de "détente" collective ont pu avoir lieu, comme après le mouvement hippie, mais dans notre cas actuel, je crois qu'il y a eu un gros contre-coup du fait de la mise au jour des scandales autour de la pédophilie qui a frappé les consciences, et comme le discours de liberté sexuelle a pu être parasité par ces défenseurs de la pédophilie sous prétexte de liberté et d'éducation sexuelle (Gabriel Matznieff par exemple), la confusion a pu à nouveau être jetée dans l'esprit collectif.


L: Tu parles souvent dans tes écrits et sur ton blog de sexualité sacrée. Ce terme n’est pas forcément très parlant pour certains d’entre nous, peux-tu nous en donner une rapide définition ?


J: La sexualité sacrée, c'est tout simplement l'intention de vivre une expérience de connexion spirituelle forte à travers la sexualité, d’accorder à la sexualité une dimension spirituelle, et non seulement un simple plaisir physique, éventuellement un défouloir, ou encore un péché honteux. La démarche accorde de ce fait une immense place à la sensualité qui permet de développer une plus grande subtilité dans la sensibilité et un plus grand sentiment de "profondeur" relationnelle. Souvent la sexualité sacrée se manifeste par des mouvements plus lents, doux et contemplatifs (pas uniquement bien-sûr), une défocalisation de l'orgasme comme "but" de la relation, un temps de sexualité plus long (en tout cas beaucoup plus long que la moyenne de 3 minutes), et à mon sens surtout par le déploiement d'une immense tendresse. En anoblissant la sexualité, elle permet au rapport sexuel de grandir   l’humain, de “l’élever” sur des “vibrations plus élevées” et ainsi de rayonner des énergies bénéfiques.


L: cela veut dire que la sexualité ne devrait pas être dissociée de la sensualité ? pourquoi ?


J: Idéalement, en tout cas si l'on est dans cette démarche de sexualité sacrée, la sensualité est un ingrédient essentiel et même incontournable car elle contribue grandement à la “sacralisation”.

En amont, la sensualité personnelle que permet la nudité au contact des éléments naturels par exemple, génère un profond bien-être qui permet de déployer son plein potentiel d'humanité dans la relation là où le mal-être peut la “polluer”. Elle permet par ailleurs de déployer une certaine subtilité dans la sensibilité, permettant de ressentir un plaisir plus profond dans les contacts plus délicats, là où "en temps normal" on y aurait été moins sensibles.

Ensuite, les moments de câlins (au sens de tendresse non-sexuelle) permettent d'établir une connexion inconsciente/instinctive/intuitive des organismes par le contact peau-à-peau, mais aussi l'olfaction des phéromones, permettant ainsi de prendre le temps de s'accorder intuitivement pour optimiser la relation.

Et ainsi, petit à petit, la relation sexuelle va pouvoir s'installer pas à pas (ou pas, ça peut aussi rester savoureux en l'état), au rythme biologique et psychologique des organismes, permettant une connexion beaucoup plus forte entre les partenaires.

Il n’y a cependant pas de “recette” à appliquer pour “pratiquer” la sexualité sacrée; c’est un cheminement personnel continu qui permet d’aller à la rencontre de soi en plus de la rencontre de l’autre. Il s’agit de ce fait de dénouer progressivement les blocages, complexes et autres conditionnements socio-psychologiques qui empêchent notre nature humaine de se déployer pleinement.


L: Une psychanalyste, Hélène Sallez, parle du développement par l’enfant d’une « intelligence affective » qui recherche et identifie ce qui est bon pour lui, pour son existence. Mais cette recherche innée de sécurité et d’humanité, cet instinct naturel vers une sensualité personnelle, semble se perdre à l’adolescence, pourquoi ?


J: L'adolescence est une période très difficile à vivre, car c'est une période où l'on n'est plus considéré comme un enfant, mais pas encore comme un adulte. Culturellement, on perd certains avantages de l'enfance, mais on ne bénéficie pas encore de ceux de l'âge adulte en échange. C'est aussi un moment où l'affirmation personnelle commence à avoir besoin de se manifester, mais où la psyché est encore très fragile face à la multitude de contraintes et pressions sociales écrasantes auxquelles on fait alors face. Je pense qu'on entre alors quasi systématiquement dans un endurcissement forcé pour y survivre, et l'intelligence affective en pâtit grandement. Mais je ne crois pas que ce soit un fait "naturel" et donc inévitable, et nombre de cultures vivent les choses autrement.

Il faut aussi savoir que notre concept actuel "d'adolescence" est très récent, et que les règles qui y sont liées le sont aussi. D'autres cultures sont capables  d'accompagner avec bienveillance et même honneur cette phase de transformation, et il nous faut bien reconnaître que notre culture est très maladroite à ce sujet.

C'est dans ce sens que les pionniers hygiénistes du naturisme prônaient une éducation sexuelle positive afin que les jeunes adultes puissent se développer naturellement plus sainement, et la société a aujourd'hui encore plus besoin de cet  apport.

Mais ce n’est pas nécessairement à l’adolescence que démarre cette coupure à soi, elle peut commencer dès la petite enfance selon le modèle éducatif dans lequel on a grandi.


L : … d’ailleurs, dans la plupart des milieux, les parents incitent l’enfant qui a grandi à dévaloriser son corps, ne pas montrer  sa nudité à d’autres, à presque nier son corps pourrait-on dire !


J: Oui complètement, ce n'est pas nouveau, et ça laisse des traces, des complexes, un amour-propre atteint, et c'est bien pour réagir à cela que le nudisme-naturisme est apparu!


L: La vocation du naturisme est de nous permettre de vivre notre corps en totale harmonie avec la nature mais on réalise que l’on a parfois mis de côté la relation même de notre propre corps avec ceux qui nous entourent, non ?


J: Oui, même si de fait la nudité collectivité permet à chacun d'accéder à une certaine part d'auto-sensualité, le naturisme, du moins à la base, c'est aussi un hygiénisme qui conseille également d'autres façons de prendre soin de son corps (sport, alimentation, repos, cures thermales etc.).

Du point de vue relationnel il y a aussi un plus grande acceptation du corps de l'autre tel qu'il est, ce qui fait grand bien à chacun, mais toute la sphère du contact physique reste très délicate; il n'est par exemple pas si courant de voir des couples ou groupes d'amis manifester pleinement leur tendresse câline, comme s'il restait une crainte que ces manifestations déclenchent une sexualité intempestive et exhibitionniste.


L: Tu nous dis qu’il peut exister une communication affective entre adultes n’étant pas dans une relation de couple. Mais comment fait-on pour l’explorer ?


J: A mon avis, ça peut s'explorer mais sous certaines conditions: le consentement, c'est une évidence, mais plus précisément aussi, une notion à laquelle je tiens beaucoup: le temps d'apprivoisement.

En effet, il est tout à fait normal d'avoir son "périmètre de sécurité", "son espace vital" dans lequel il faut être “invité” et où aucune intrusion n’est la bienvenue.

Nous sommes nombreux je pense à ressentir que la nudité fait tomber des barrières et qu'elle facilite le contact humain. Néanmoins, il est tout à fait naturel qu'un rapport de confiance ait besoin de s'installer, et que ça puisse prendre du temps, selon la sensibilité de chacun, pour installer le sentiment de sécurité nécessaire pour accepter pleinement le contact.

Il me semble aussi important de comprendre qu'il y a plusieurs degrés de l'intimité, plusieurs étapes à franchir, l'une après l'autre, ou auxquelles s'arrêter, tout comme il y a plusieurs degrés d'amitié qui légitiment tel ou tel type de contact.


L: Peut-il alors exister une sensualité non sexuelle entre adultes ? et si oui comment ça fonctionne physiologiquement ?


J: Oui, il faut juste comprendre qu'il y a plusieurs degrés de sensualité non sexuelle et que ces degrés sont plus ou moins répandus ou rares selon le cas.


-Le fait d’échanger un regard profondément bienveillant quand on se dit bonjour est déjà générateur de sensualité dans le sens où l'autre peut se sentir pleinement accepté tel qu'il est, ce qui lui permet une détente supplémentaire lui permettant une plus grande liberté sensuelle personnelle. Par empathie, cela augmente d’autant notre bien-être personnel. C'est à mon avis le plus important à généraliser. Le reste qui suit relève plus de l'ordre de la possibilité, mais n'est pas forcément évident à appréhender.

-Quand on se fait la bise, en posant délicatement sa main sur le bras de l'autre ou sur son épaule, c'est aussi une forme de sensualité même si elle est codifiée et quasiment “automatique”, mais on est déjà là dans un rapport amical établi, ce n'est pas forcément adapté quand on rencontre seulement une personne.

-Quand on est touché par une personne, peut venir l'envie de la prendre dans ses bras. C'est effectivement plus rare quand on est nus car ça peut laisser craindre une manifestation sexuelle intempestive malaisante. Mais c'est possible, ça demande juste de s'être éventuellement rééduqué à ne plus associer cette accolade à un contact excitant sexuellement, et surtout que la personne en face soit également à l'aise avec cette manifestation.

-Maintenant, il y a également une possibilité encore plus poussée mais également plus rare, qui n'est pas appropriée dans toutes les situations, mais que j'ai pu expérimenter et qui a fait l'objet d'une pratique spirituelle: le syneisaktisme.

Il s'agit de "coucher" (au sens propre de s'allonger en mode câlin non sexuel) avec un.e partenaire avec lequel.laquelle on pourrait ressentir une attraction sexuelle (ou du moins “sexuée”), mais l'intention est autre: simplement partager un moment de tendresse, de réconfort, de protection ou simplement du repos. Ca peut se faire en peau à peau si les partenaires y sont prêts, et dans ce cas là les caresses peuvent dans l'absolu couvrir tout le corps. Pour ma part j'ai identifié une limite "physiologique" aux zones carressables ou non: tout ce qui est peau "sèche" (donc derme extérieur) contre tout ce qui est "humide" (muqueuses intérieures associées aux zones sexuelles). Il est important à mon sens aussi que le contact reste léger, plus de l'ordre de l'effleurement, afin de ne pas stimuler l'excitation sexuelle.

L'idée est vraiment de stimuler la production d'ocytocine, quelque chose d'apaisant, réparateur et de savoir rester dans cette intention là. De ce fait, ça peut être mieux de le faire quand on est suffisamment réveillé pour avoir les idées claires, et ne pas hésiter à s'arrêter (et bien entendu d'accepter que l'autre veuille arrêter) si jamais on sent le "débordement" poindre.

Ceci dit c'est bien, encore une fois, des limites à éclaircir pour soi et ensuite à définir clairement ensemble car ça vient vraiment à rebours de nos conceptions et habitudes culturelles.


L: On a tous entendu parler des danses extatiques, des massages tantriques… tu les considères comme des formes de communication affective ?


J: Elles peuvent effectivement être des formes de communication affectives, à la différence qu'elles sortent généralement de la communication "quotidienne" et s'inscrivent dans un cadre précis, elles peuvent cependant (comme les autres danses ou autres formes artistiques d'ailleurs, ou encore d'autres massages ou autres formes de soins) servir d'apprivoisement à la sensualité personnelle et interpersonnelle.


L: L'eau, l’air, le soleil sont autant de sources naturelles inépuisables de sensualité ! Mais comment fait-on pour gérer dans le même temps toutes les agressions et violences que nous renvoie la société ?


J: La solution qu'a trouvé le naturisme était de s'isoler des agressions et violences de cette société, c'était (et c'est toujours) une obligation imposée par cette société elle-même qui supporte difficilement son existence. Cependant ce n'est pas son but premier, qui est de contribuer à l'évolution de cette société pour la rendre plus épanouissante, et pas de rester "sagement” isolé.


L: Finalement cette sensualité que tu décris comme apaisante, réparatrice et humanisante apparaît comme un ingrédient essentiel de la spiritualité, non ?


J: A mon sens oui. Bien évidemment, nombre de spiritualités s'axent sur le développement exclusif de “l'esprit”, bien souvent au détriment du corps soigneusement tenu à l'écart, mais à mon avis elles génèrent également une certaine souffrance qui n’est pas propice à “l’élévation” spirituelle/vibratoire. Il s'agit de spiritualités "dualistes" selon le Dr Fougerat de Lastours (le premier qui a vraiment démontré l'importance de la nudité des sexes pour la santé, et qui a de ce fait permis au mouvement actuel d'exister).

Le dualisme est une pensée qui sépare et même oppose matière/corps et esprit. Mais avant son apparition et son expansion, les spiritualités étaient toutes "monistes", considérant une unité complémentaire dynamique et bénéfique de ces deux pôles, et considérant qu'il faut autant prendre soin du corps que de l'esprit (l’absence de ce soin du corps étant jugé nocif à celui de l’esprit), et la sensualité (tendresse) y joue un rôle important dans le sens où  elle permet de développer ce soin complet à soi, et dans cette continuité un rapport plus affectueux au monde.


L: Tu veux dire que si l’on se sent mieux avec soi-même, on est moins tendu avec les autres, ça nous rend meilleurs ?


J: Oui, car comme l'expliquait Wilhelm Reich, l'agressivité naît de la frustration, et par extension de tout manque (sexuel, affectif, alimentaire etc.) ou situation de survie/danger. Mais à partir du moment où tous nos besoins fondamentaux sont assouvis, notre espèce peut épanouir ses plus belles qualités et redevenir pleinement "humaine". Comme j'aime le dire: oui, l'humanité est bonne, elle est juste fragile (autrement dit cette bonté peut être cassée par des conditions difficiles, mais aussi "réparable" par l'instauration de meilleures conditions de vie, et le naturisme vise justement à travailler sur l'instauration de conditions optimales).


L : Peut-on  parler de « sens de l’autre » ?... d’une sensualité collective ou sociale qui vient compléter la sensualité personnelle dont tu parlais plus tôt ?


J: Le fait est que nous sommes une espèce sociale, nous avons besoin du lien avec nos congénères, sur le plan de l'organisation économique (ensemble on est plus forts, plus efficaces, on va plus loin), et cela passe notamment par le lien affectif (à commencer par le lien familial) qui est un moteur de cohésion et de construction sociale très puissant. Il en existe d'autres, comme la pression, la concurrence, la lutte, les rapports de domination/soumission, mais le lien affectif est à la fois fort et pleinement épanouissant (si tant est qu'il ne soit pas parasité par des blessures émotionnelles), ce que ne savent pas faire les autres méthodes.

Chez beaucoup d'espèces sociales, le lien passe par le contact physique sensuel (épouillage, câlins etc.), et c'est une possibilité qui peut se développer chez nous aussi, mais notre culture en limite drastiquement l'expression, notamment en la sexualisant presque automatiquement. Il n'y a pas à proprement parler de "mode d'emploi" de la relation sensuelle non sexuelle, c'est quelque chose qui reste à explorer selon les possibilités de chacun.


L: Pourtant ces gestes doux et tendres entre adultes, ces caresses non intimes, ce contact peau à peau, sont le plus souvent réprimés dans nos sociétés, car amalgamés à l’oisiveté donc au vice et rapidement synonyme d’exhibitionnisme, en particulier au sein du mouvement naturiste ! Comment peut-on rendre cette tendresse et cette douceur dont nous avons tous besoin, plus acceptables par la société ?


J: Commençons peut-être déjà par les rendre plus acceptables par le mouvement naturiste lui-même, et cette causerie vise à y contribuer. De manière générale, je pense qu'il faut arriver à rassurer à ce sujet. L'argumentation intellectuelle peut être utile, mais le plus important est de comprendre où nous en sommes collectivement, les blessures émotionnelles auxquelles nous sommes globalement confrontés, l'image pervertie qui en découle, et en parler sans forcer. Ca peut simplement commencer au sein des couples: oser davantage manifester la tendresse physique à son partenaire sans manifestation sexuelle pour montrer que c'est possible, et ça peut déjà en inspirer d'autres à se permettre d'en faire de même... Accepter aussi les manifestations de tendresse des autres, et des couples atypiques notamment l'homosexualité qui est encore appréhendée avec crispation par certains, et pas encore toujours pleinement acceptés comme des couples comme les autres.

Juste voir la tendresse pour ce qu'elle est, une pure manifestation d'affection, sans arrière-pensée, belle en soi.


L: A propos du regard bienveillant, nous évoquions avant cette causerie  le phénomène de la cohabitation entre les personnes nues et celles habillées ou en maillot qui se croisent sur l’île du  Levant, et sur les plages notamment. Dernièrement il y a encore eu des conflits à ce sujet, des naturistes reprochant leur tenue à des “textiles”. Tu disais notamment que tu préférais la compagnie d’un textile au regard bienveillant que celle d’un naturiste plus fermé, que c’était à ton sens une démarche plus naturiste d’accepter l’autre tel qu’il est plutôt que d’être tous nus…


J: Oui, alors je comprends tout à fait que quand on commence à pratiquer le nudisme, le besoin d’être entouré d’autres gens nus plutôt qu’habillés est plus sécurisant, étant donné que la nudité est une position de vulnérabilité par rapport au vêtement dans notre société. J’ai personnellement également ressenti ce besoin d’entre-soi à mes débuts. Cependant, je pense aussi que le but du nudisme n’est pas d’imposer la nudité à toute la société, mais simplement de détendre la société à propos de la nudité et permettre à chacun de se vêtir comme il le sent quand il le sent. De ce fait j’ai aussi fait un travail sur moi pour accepter de pouvoir être nu sans que les autres le soient nécessairement (même si je préfèrerais), afin que chacun puisse se sentir bien personnellement tout en se sentant bien ensemble.


L: J’ai relevé dans tes écrits que tu associes le développement de la sensualité à notre capacité à maîtriser notre hygiène de vie, en lien étroit avec la pensée hygiéniste à l’origine du mouvement naturiste !


J: Disons que j'ai observé que plus je prenais soin de mon hygiène de vie, et de la qualité de mon alimentation en particulier, plus je me sentais bien dans mon corps, et plus ma sensualité s'en trouvait optimisée. En effet, la moindre lourdeur, le moindre ballonnement peut générer une gêne qui limite de fait mon épanouissement sensuel. De même pour les sensations “d’encrassement” que je peux ressentir avec certains aliments ou combinaisons alimentaires. Comme j'y suis particulièrement sensible, les effets de l'alimentation sont assez forts sur moi, ce qui n'est pas forcément le cas de tout le monde. L'hygiène mentale est importante aussi, et le fait même de pratiquer le nudisme, et donc déconditionner certaines croyances culturelles, en fait partie!


L: tu parles carrément d’un nettoyage de notre corps !... en passant par une alimentation frugivore physiologique, une bonne circulation de la lymphe et une activité physique quotidienne… tu peux préciser ?


J: Les fondateurs de l'hygiénisme s'appuyaient sur l'anatomie comparée avec les autres espèces pour constater que nous sommes morphologiquement plus proches des animaux frugivores (dentition, organisation du tube digestif etc.) que des herbivores et carnivores. Ca ne signifie pas que nous devons ne manger que des fruits, mais que nous devrions privilégier les aliments aussi facilement digestes que les fruits et générant aussi peu de toxines à la digestion.

Ca n'interdit bien évidemment pas de manger d'autres choses (c'est d'ailleurs pour cela que nous avons adopté la cuisson et la fermentation pour adapter les denrées naturellement trop indigestes pour nous), mais il conviendrait de veiller aux quantités afin qu'elles n'excèdent pas nos capacités à nous régénérer, car de là viennent beaucoup de nos maux selon eux. Certains vont jusqu'à prôner des cures monodiététiques de fruits sur une période donnée, mais sans aller jusque là, nous gagnons à adopter une alimentation plus légère principalement faites de crudités, de poissons et fruits de mer (surtout l'été) plutôt que des gros plats de viande et de féculents...


L: Je voudrais revenir un instant sur ta réflexion autour  d’une sexualité hypertrophiée ! donc selon toi, plus de sensualité veut aussi dire moins de sexualité ou en tous cas une sexualité plus naturelle et moins subie ?


J: La répression sexuelle a l'effet inverse à celui escompté: loin de faire oublier la sexualité, elle la rend omniprésente, hantant nos inconscients individuels et collectifs. Devenue obsessionnelle, elle "transpire" littéralement de nos cultures au point de devenir si pressante qu'elle ne laisse plus le temps à la sensualité (et l'apprivoisement) de se déployer.

Je ne dirais pas qu'il y a plus ou moins de sexualité quand il y a plus de sensualité, c'est moins une question de quantité que de qualité: la sensualité impacte positivement l'épanouissement de la sexualité, mais au delà de la sexualité, du quotidien tout entier qui en devient beaucoup plus agréable!

J’ai cependant pu observer que notre besoin de sensualité ne trouvant culturellement d’issue que dans la sexualité la plupart du temps, cette sexualité est de ce fait souvent sur-employée, y compris pour des désirs et besoins qui n’en relèvent pas initialement. Avec le rétablissement de la sensualité dans son large éventail, c’est à mon avis seulement la sexualité qui ne correspond pas à nos besoins/désirs réels qui disparaît, laissant toute sa place à la sexualité qui nous convient réellement.


L: J’aimerais que l’on prenne qqs minutes pour évoquer le libertinage, une pratique sexuelle qui prend de l’ampleur et qui soulève bcp d’inquiétudes et d’incompréhension chez les naturistes. Il y a d’ailleurs souvent rejet total. Tu peux nous dire deux mots de ton analyse à ce propos ?


J: Alors déjà je vais peut-être surprendre en répondant que pour moi le nudisme naturiste est une forme de libertinage, du moins dans son sens philosophique initial qui consiste à prendre des libertés avec les dogmes établis et en affirmer la légitimité: notre culture pudibonde rejette la nudité? Et bien nous prenons la liberté de la vivre quand-même, car nous sommes convaincus qu'elle est bonne et juste!

Ensuite, pour parler du libertinage actuel, moins philosophique et concernant plus spécifiquement la liberté sexuelle, il me semble nécessaire de rappeler qu'il en existe plusieurs formes et qu'il ne se réduit pas à la multiplication des partenaires sexuels dans ou hors du couple, mais il peut également revêtir un aspect moins "consommateur" et plus "contemplatif" (côte-à-côtisme, mélangisme, voyeurisme/exhibitionnisme consentis).

Pour le mouvement naturiste, il est particulièrement gênant dans le sens où il contredit le discours officiel de dissociation nudité/sexualité. Il l'est aussi quand il s'impose sans le consentement des autres personnes autour (mais à mon sens il ne s'agit plus de libertinage au sens propre, qui est censé accorder au consentement une place centrale dans sa démarche, mais simplement d'incivilité).

Il pose cependant des questions importantes auxquelles le mouvement naturiste se devait de répondre, du moins à ses débuts, notamment la question de la place de la sexualité dans notre culture, et des différentes formes que peut prendre le naturisme.

Initialement, il n'était même pas nudiste, ensuite la nudité collective n'a été admise que dans le cadre d'une activité sportive soutenue. Et puis, alors qu'il était décrié par les hygiénistes, le naturisme de loisirs s'est tout de même imposé. La viande, l'alcool, la cigarette, les tatouages, les piercings, l'homosexualité qui étaient exclus ont progressivement été acceptés également. A chaque fois, il y a eu une réaction de rejet par peur d’un envahissement, d’excès qui pourraient détruire le mouvement, mais ces excès ont finalement été minoritaires, et l’équilibre s’est à chaque fois trouvé petit à petit, le mouvement suivant son évolution. 

Dans ce sens, je me demande si les libertins ne seraient pas eux-aussi une frange de la société naturiste qui auraient le droit de cité comme les autres? Le tout serait alors simplement de trouver un terrain d'entente, et pour cela c'est le dialogue le plus efficace, pas la lutte. Par le passé, certains anciens clubs naturistes semblent avoir créé en leur sein des espaces spécifiques permettant les ébats en toute discrétion, à condition qu'il n'y ait pas de drague intempestive sur le reste de leur domaine. Et sur beaucoup de plages publiques se sont naturellement organisés des portions familiales, libertines et homosexuelles, et quand il n'y a pas ces découpages, il n'est pas rare que certains couples s'éloignent un peu de la rive et fassent discrètement l'amour dans l'eau sans que ça n'offense ni ne choque personne.

Je pense qu'à peu près tout le monde sera d'accord sur le fait que faire l'amour dans la nature est une très belle expérience, et qu'on serait certainement beaucoup plus à nous le permettre si on était assurés de ne pas être condamnés ou perturbés par des intrusions agressives ou profiteuses.

N'y a-t-il pas quelque chose à réfléchir collectivement ici pour que chacun puisse y trouver son compte et que les aspirations de chacun soient respectées?

Je n'ai pas de réponse définitive à la question, mais je pense que le dialogue respectueux entre toutes les parties reste souhaitable et positif, ne serait-ce que dans la construction et l'entretien du lien social, même si aucune solution universelle et absolue n'est trouvée.



L: Mais s’il ne s’agit pas d’une nudité naturelle mais obsessionnelle comme tu dis, on trouve justement  dans le libertinage une forme développée de sensualité sociale ou collective, non ?


J: Il est délicat de décréter que telle ou telle forme de sexualité est obsessionnelle ou saine, cependant, ce que j'observe, c'est que le milieu libertin (et je dirais aussi homosexuel qui apporte aussi une ouverture non-machiste à ce niveau à mon avis) est beaucoup plus ouvert et bienveillant que le mouvement naturiste classique à l'égard des manifestations de tendresse sensuelle. Même si, personnellement, la tendance “mondaine” que l’on retrouve notamment sur la place du village de l’île du Levant ne correspond pas à l’esprit naturiste tel que je le conçois, je dois bien lui accorder qu’elle m’a permis de mieux vivre ma sensualité personnelle que dans beaucoup d’autres espaces plus “traditionnels” du mouvement naturiste, et je crois effectivement que ce dernier à certaines choses à faire évoluer dans sa mentalité.



L: N’y aurait-il pas une 3e voie à trouver, un nouvel équilibre entre notre naturisme pudibond et ce que l’on considère aujourd’hui comme du libertinage exhibitionniste ? On parle bien de la « voie du milieu » pour le Tantra !?!...


J: Je pense effectivement qu'entre ces deux "extrêmes", quelque chose a besoin d'exister, plus épanouissant pour notre potentiel humain, réintégrant la sensualité (sexuelle et non-sexuelle, selon le contexte), pour notre plus grand bien à tous.


L: Le modèle sociétal pourrait-il nous aider à trouver cet équilibre ? tu dis que notre salut viendra du modèle matriarcal, plus démocratique et permissif, car il favorise le bonheur individuel et collectif !


J: Reich a effectivement observé que les sociétés matriarcales étaient plus permissives, bienveillantes et détendues, mais est-il forcément nécessaire de changer notre structure socio-familiale de fond en comble pour y accéder? Je ne pense pas, le nudisme étant bien la preuve qu'une évolution au sein d'une même structure est possible et toujours bénéfique!


L: Avant de conclure, il serait intéressant de recueillir le ressenti de certains d’entre vous à propos du regard naturiste sur la sexualité, de savoir comment vous la vivez en tant que naturiste, si vous-même avez réussi à développer une sensualité apaisante et réconfortante…


J: Avant de commencer les questions-réponses, j’aimerais partager un petit “truc” permettant de transformer une contrainte en plaisir sensuel: le paréo est devenu une nécessité pour s’asseoir nu en milieu naturiste (ça n’a pas toujours été le cas, la nudité étant initialement considérée comme une tenue plus hygiénique que les vêtements), et pour des raisons pratiques il est devenu plus simple de le garder noué à la taille pour ne pas avoir à le mettre, l’enlever, le tenir, et risquer de l’oublier. Le problème c’est qu’ainsi noué, il serre un peu la taille, ce qui n’est pas toujours agréable, et ne permet pas de se sentir aussi nu qu’on l’aimerait.

Personnellement j’ai développé une autre manière de le mettre, bien plus sensuelle et je dirais même élégante, et que j’ai vu porté ainsi pour la première fois ici ces derniers jours au Levant par quelques rares personnes. Il suffit de nouer ensemble par un petit double noeud les deux coins d’une même longueur du paréo, et de l’enfiler comme une toge antique: le noeud sur une épaule, le reste du tissus partant sous l’autre. Le côté du corps sous le noeud reste ouvert, aéré, et le paréo peut ainsi caresser le corps en permanence sous l’effet du vent et des mouvements. Je vous recommande vivement de l’essayer tellement c’est agréable!


Laurent : Merci beaucoup Julien. Je voudrais inviter le public à prolonger cet échange par une séance de questions-réponses, si vous souhaitez aussi partager votre vécu sur le naturisme et la sexualité, vous y êtes également invités.


Auditrice 1: Tu as parlé des craintes successives à propos des nouvelles franges du mouvement qui risquaient d’envahir le mouvement, mais le fait est que le naturisme de loisirs a envahi le naturisme hygiéniste qui a quasiment disparu, et aujourd’hui les homosexuels semblent être devenus majoritaires au Levant comme le craignaient certains, mais donc tu crois en un rééquilibrage qui se fait tout seul?


J: Je crois effectivement en une sorte de vie autonome du mouvement, qui évolue de manière organique d’une certaine manière, et sur un temps très long, qui peut donc être difficile à percevoir: les fondateurs avaient un idéal en tête, qui a certainement été valable et adapté à l’époque, mais toute conception humaine a des limites, et dès lors que l’on devient un tant soit peu dogmatique, on fige les choses et on restreint la vie humaine du mouvement. L’hygiénisme a été un immense apport, mais une optique moins disciplinaire, moins contraignante, donc plus légère et accessible était également nécessaire. Je crois que si cette première version du mouvement avait accepté de s’ouvrir à la deuxième au lieu de lutter contre, elle n’aurait ensuite pas été elle-même rejetée par la deuxième.

Concernant l’homosexualité devenue prédominante  au Levant, on pourrait de même la voir comme un envahissement, mais on peut aussi choisir de la voir autrement, et se demander ce qu’elle vient nous montrer et éventuellement nous apprendre.

A mon avis c’est plutôt bon signe que des homosexuels se sentent bien, acceptés et en sécurité au Levant, par rapport à une société où l’homophobie est encore très lourdement présente, et il est donc logique que le bouche à oreille en fasse venir davantage qui souhaitent profiter de cette même bienveillance à leur égard.

Ça nous montre que le Levant est réellement un lieu de bienveillance, et il n’en devient pas pour autant un lieu exclusivement réservé aux homos, du moment que les hétéros et familles n’en soient pas exclus. L’idée maintenant, dans la logique première du mouvement, c’est de faire en sorte que cette même bienveillance leur soit également autant apportée dans les autres lieux naturistes, et puis par extension dans toute la société.

Par ailleurs, on peut également voir dans la présence homosexuelle l’apport d’un autre modèle de masculinité face au modèle unique machiste, patriarcal et toxique, exemple invitant les hommes à s’ouvrir davantage sur leur sensibilité et leur sensualité (ce qui ne changera en rien l’orientation sexuelle de chacun pour ceux qui le craindraient).


Auditeur 2: Je me sens visé par le passage à propos des naturistes qui font des reproches aux textiles, j’en fais partie et ça me semble important de rappeler qu’on est sur une île naturiste et qu’il faut être nus! (applaudissements d’une part de l’assemblée)


J: Personnellement je critique surtout la méthode qui peut vite conduire au conflit et à l’impasse, je suis personnellement plus adepte d’un dialogue ouvert laissant la place à chacun d’être accepté comme il est, car finalement, pourquoi est-il si nécessaire que l’autre soit nu, du moment qu’il accepte que nous le soyions?


A2: Mais parce qu’ils nous envahissent et plus il y aura de textiles, moins il y aura de naturistes, et bientôt nous ne pourrons même plus être nus au Levant! (applaudissements d’une partie du public)


J: Mais ne s’agit-il pas simplement d’une peur?


Auditrice 3: Non, ce n’est pas seulement une peur, j’ai moi-même l’expérience de plusieurs plages dans le var où les naturistes pourtant bien installés se sont vus progressivement repoussés de plus en plus loin, dans les lieux où l’accès est de plus en plus dangereux, pour finalement parfois voir ces espaces disparaître complètement!

Quand j’accueille des nouvelles personnes non-naturistes dans mon logement, je les incite à utiliser le paréo pour rester habillées, ce qui leur facilitera le vécu et la transition si elles décident de sauter le pas, et dans 90% des cas ça marche!


Auditrice 4: Pour ma part j’ai travaillé dans l’éducation, et je confirme le besoin d’éducation sexuelle pour la jeunesse livrée au porno qui est une véritable catastrophe, et je souhaitais partager le commentaire d’un jeune après une intervention, profondément soulagé d’apprendre que dans sa vie sexuelle, il ne serait pas obligé de faire comme dans les vidéo pornographiques qu’il avait pu voir.


Auditeur 5: Pour ma part je veux partager une expérience récente d’une plage naturiste que j’ai fréquentée il y a quelques jours et où nous nous sommes fait caillasser par une bande de mineurs du haut de la falaise. Nous avons dû appeler les gendarmes qui nous ont révélé que ce n’était pas la première fois. Il ne s’agit plus de moqueries ni de disparition d’un lieu, mais proprement de mise en danger de la vie des personnes qui fréquentent le lieu!


A2: … après c’est aussi une évolution globale de toute notre société!


J: Alors effectivement, je vous rejoins tout à fait sur cette problématique du recul du naturisme et même de l’agressivité sociale qui peut le frapper et que je déplore, mais comme l’a dit [l’auditeur 2], il s’agit d’un problème plus global qui touche toute notre société.

La philosophie hygiéniste du naturisme considère que ce n’est pas en s’attaquant au symptôme qu’on corrige le problème, mais que c’est à sa source qu’il faut s’attaquer.

A mon sens, le problème vient du mouvement qui, en abandonnant son militantisme visant à faire évoluer la société et son appui hygiéniste qui le rendent plus pertinent,, à laissé progressivement s’installer la “perte de vitesse” du naturisme et la situation actuelle sur nombre de plages. 

Mais le mouvement, c’est nous aussi, et le recul voire la disparition des plages naturistes provient également du fait qu’il y a de moins en moins d’associations pour défendre ces espaces auprès des mairies, faute d’engagement voire d’absence totale d’adhérents.

Et pour finir, plutôt que de venir faire des reproches aux textiles qui ne sont pas agressifs ici, je pense qu’il est effectivement mieux de procéder avec pédagogie comme tu [auditrice 3] le fais, c’est beaucoup plus positif!


L: Merci Julien, merci à tous pour votre participation à cette nouvelle édition des Rencontres Naturistes du Levant. Notre association Le Levant Naturiste qui défend la pratique du naturisme au Levant et oeuvre pour la richesse de la vie culturelle de notre île, est accessible sur https://www.helloasso.com/associations/le-levant-naturiste


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